lundi 24 juillet 2017

Amours en pharmacie, l'univers de L. L. L. David

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Le site de l'éditrice. Merci à l'auteure pour l'envoi, ainsi qu'à Simplement.Pro pour l'intermédiation.

Un pharmacien tombe amoureux d'une de ses employées, à moins que ce ne soit le contraire: l'histoire paraît classique. C'est celle dans laquelle l'écrivaine L. L. L. David embarque son lectorat dans "Petite souris grise". Il y est question d'une jeune femme des plus discrètes, à laquelle la couverture, dessinée par Céline Pêcheur, prête les traits de Vera Dinkley dans "Scoubidou". Et d'un potard à peine moins jeune nommé Cyrille Desprez, qui se trouve être son employeur. Et il s'en passe de belles dans la pharmacie Desprez, située dans les recoins chics (Sèvres-Babylone) du sixième arrondissement de Paris!

"Petite souris grise" est une romance classique, qui joue honorablement les figures imposées du genre: le repas de famille, la danse langoureuse en boîte, les moments de sexe vécus en secret alors que tout le monde peut entendre, le coeur contre la raison, les situations qui rapprochent malgré eux ceux qui sont appelés à "être ensemble": pas besoin de lire beaucoup pour savoir que Cyrille et Céline finiront dans les bras l'un de l'autre. Classique par ses péripéties, "Petite souris grise" l'est aussi par son style, qui aurait pu être un peu plus pétillant par moments. Cela, quand bien même les dialogues claquent quand il le faut: en la matière, l'auteure montre un chouette talent.

Ces dialogues, généreux, sont l'occasion de faire briller quelques personnages secondaires, libres parce qu'ils sont secondaires justement. L'écrivaine rend naturellement odieuses les cougars qui hantent la pharmacie Desprez, mettant en scène plus d'une tentative, pour ces vieilles dames huppées, d'inscrire Cyrille à leur tableau de chasse. On les sent prédatrices! Par contraste, on apprécie l'effet comique et dynamique des deux collègues de Céline. Anna et Myriam, toutes deux dans la vingtaine, ont des vies fort diverses: l'une papillonne d'homme en homme, l'autre est mariée puis enceinte; mais toutes deux s'entendent à jouer les entremetteuses rouées. Et, pour le lecteur, elles instillent à "Petite souris grise" le supplément de pep requis.

Mais qu'est-ce qui rend "Petite souris grise" particulièrement intéressant? Rappelons que la comédie romantique traditionnelle rapproche deux êtres que mille obstacles séparent. Justement, l'auteure de "Petite souris grise" a choisi de mettre sur le chemin de ses deux amoureux les obstacles les plus difficiles qui soient: ceux que les personnages s'imposent à eux-mêmes. Résultat: nous avons une Céline qui a un gros problème d'affirmation de soi (on aimerait la présenter au Marcel de "L'Envol du bourdon" d'Hélène Dormond, tiens!), coincée qui plus est par l'héritage pesant d'une famille à principes, héritière peut-être d'un certain catholicisme, énoncés de façon très directe par le biais de parents sentencieux. Et en face, Cyrille a un côté paradoxal, oscillant entre une volonté de diriger sa boutique de pharmacien de façon sévère et l'envie de se lâcher: on sent le manager ambivalent, désireux de cacher derrière une personnalité rigide une faiblesse au niveau du vécu - qui aurait mérité d'ailleurs d'être creusée un peu plus avant.

Vont-ils s'entendre alors, vont-ils enfin se laisser aller? "Petite souris grise" est parfois abrupt dans l'évolution des sentiments entre deux personnages que tout sépare (et surtout leur timidité, masquée par des stratégies diverses, vestimentaires pour Céline, hiérarchiques pour Cyrille), ainsi que dans les changements de points de vue: l'on aurait aimé un peu plus d'onctuosité dans la narration, c'est vrai, quitte à ce que le roman prenne davantage son temps. Le lecteur se souviendra plus volontiers de l'ambiance sympathique qui règne dans la pharmacie Desprez, et de l'intelligence avec laquelle l'auteure la fait évoluer, de la raideur à la souplesse, alors que le patron constate qu'il n'est pas forcément en mesure de suivre les règles qu'il a lui-même fixées. Et comme tout s'arrange à la fin (c'est la loi du genre...), le lecteur vibrera jusqu'au bout, avec le sourire.

L. L. L. David, Petite souris grise, Clermont-Ferrand, Mademoiselle a trois ailes, 2016.

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