mardi 9 janvier 2018

Vivre à cinquante ans chez ses parents: une nouvelle vie?

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David Foenkinos – Être Tanguy à cinquante ans? C'est possible, du moins sous la plume de David Foenkinos. Bien entendu, il faut que la situation s'y prête... Le Tanguy de David Foenkinos se nomme Bernard, c'est un homme qui a réussi, on dirait: mariage, enfants, belle situation dans le monde bancaire. Et il suffit d'une circonstance pour que tout s'écroule, sur fond suggéré de crise des subprimes. Mais "Bernard", c'est aussi le livre d'une crise de vie  – et c'est un lieu commun de rappeler qu'une crise est l'occasion d'un nouveau départ.


Bernard, donc. C'est un personnage de banquier à la façade respectable – conforme au type romanesque du trader qui s'est mis en place dans le sillage de la crise des subprimes et des romans qui abordent ce thème. L'écrivain casse rapidement ce profil bien lisse, en l'attaquant sur deux fronts: la vie personnelle (Bernard trompe sa femme) et la vie professionnelle (Bernard s'adonne à des malversations). L'auteur note que ces deux éléments de façade sont fragiles; dès lors, il est aisé pour lui de les réduire en morceaux très petits, au fil de péripéties que le lecteur appréhende, dans la première partie du roman, comme une descente aux enfers. Pour ce faire, il introduit un personnage qui a une force certaine, un véritable marteau-piqueur: l'amante, Isabelle. Résultat: Bernard n'a plus d'emploi, ni de femme, à peine une fille. Plus d'identité, en somme! Il devient une feuille blanche, un lieu sur lequel écrire une nouvelle vie.

On retrouve tout au long de "Bernard" ce qu'on aime chez David Foenkinos, à savoir cette capacité à analyser les relations amoureuses de manière minutieuse, et de les rendre au moyen d'images étonnantes, de raccourcis hardis qui énervent le lecteur (surtout s'il est aussi un peu écrivain) parce que sous leurs apparences controuvées ou artificielles, ils sonnent tellement vrai.

Minutie dans la description des relations humaines? De sa femme, Bernard n'aime plus que la chevelure. Pour le reste, son couple vit sur son erre... Il y a aussi la finesse des traits qui dessinent la relation d'un quinquagénaire avec ses parents, alors qu'il est obligé de retourner vivre chez eux: quelques scènes de vie très concrètes, comme l'heure du souper, suffisent à montrer l'humiliation du personnage principal de ce court roman. Et la difficulté, pour des personnages adultes qui ont chacun leur vie, de se retrouver, alors qu'un regroupement familial devrait être évident.

Mais si le début de ce livre suit une pente descendante, la fin est une manière de la remonter et, pour Bernard, de se reconstruire une nouvelle existence, heureuse même si elle n'est pas du tout celle qu'il avait planifiée. Au-delà d'un destin personnel, c'est donc de crise de milieu de vie qu'il est question dans "Bernard", une de ces crises qui suscitent, pour ceux qui choisissent de faire face sans faux semblants, des choix de vie étonnants et éclairés qui sont la clé d'un nouveau bonheur.

Chez Bernard, cela se traduit par le rejet d'un bullshit job créateur de valeurs factices au profit d'un travail concret et directement utile. Et plus profondément, en écho à la vie professionnelle, cela passe aussi par la construction de relations plus vraies, plus profondes avec ses proches, entre autres avec sa fille, par une astuce intéressante qui laisse transparaître, à travers le drame, le sourire de l'écrivain.

David Foenkinos, Bernard, Paris, Les Editions du Moteur, 2010.

Le site de David Foenkinos.

2 commentaires:

  1. Je trouve Foenkinos parfois inégal, mais le sujet me parle.

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    1. Ce livre a la dimension d'une "novella", qui commence de manière très tragique et se termine sur une note optimiste qui fait du bien.

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