mercredi 18 avril 2018

Jack l'Eventreur est à Paris... et ça va saigner!

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Nils Barrellon – Jack l'Eventreur est de retour, et il n'est pas content. Il sévit à Paris, son surin à la main... et Nils Kuhn mène l'enquête dans "Le jeu de l'assassin", roman policier de Nils Barrellon. Forcément, les cadavres se succèdent: ce sont des femmes de couleur vivant à l'est de la Butte Montmartre. Et cerner le coupable ne sera pas facile: les indices sont rares.


Le style paraît un peu sage au début, pour narrer par exemple cette scène d'ouverture certes originale et cocasse où l'on voit Nils Kuhn interpeller une voisine qui fait faire ses besoins à son chien. Nils Kuhn? C'est un commissaire qui aime boire son coup dans le Quartier Latin et qui a de l'humour, ce qui le rend sympathique et attachant. Même si c'est surtout son propre humour qu'il apprécie! Au fil des pages, les mots deviennent plus vigoureux, et l'auteur s'autorise quelques termes techniques, dûment expliqués en note, pour la touche de réalisme. Réalisme également dans la recréation du fonctionnement de la police parisienne, celle qui occupe encore le 36, Quai des Orfèvres.

On a déjà pas mal vu Jack l'Eventreur dans le monde des lettres qui font frissonner, certes. L'auteur rend du reste hommage à l'abondante littérature qui existe au sujet de ce personnage historique mystérieux, en citant les lectures d'un personnage qui n'est pas au-dessus de tout soupçon. C'est dans l'intelligence de la transposition des crimes sanglants de Londres que réside tout l'intérêt du "Jeu de l'assassin": le lecteur est plongé dans ce qui pourrait être le pendant parisien de Whitechapel, les filles tuées sont dans la misère, parfois prostituées occasionnelles, et bien sûr, le modus operandi est savamment reproduit. Il y a aussi de quoi se délecter au fil des fausses pistes qui se succèdent, toujours instructives mais insuffisantes: les enquêtes de voisinage ne donnent pas grand-chose, l'épluchage des factures de téléphone s'avère hasardeux... 

L'auteur recrée aussi toute la pression qui peut peser sur les épaules d'un policier, dès lors que la presse s'en mêle. Cela, sans oublier la hiérarchie, qui veut des résultats. Face à une adversité protéiforme, face à des coups qui viennent parfois de son propre camp, voire d'on ne sait où, Nils Kuhn fait preuve d'une pugnacité qu'on admire pour défendre son intime conviction. On l'empêche de mener l'enquête? Il continue quand même, par d'autres moyens, en sous-main et en faisant jouer la camaraderie. L'auteur installe d'ailleurs autour de Nils Kuhn une équipe de collaborateurs aux profils bien tranchés: on aime particulièrement le gars qui surjoue l'argot du 9-3. Mais l'auteur sait aussi installer le trouble autour d'un des personnages féminins qui gravitent autour de l'enquêteur.

Paris, la police, les personnages et les dialogues: tout est recréé avec réalisme et minutie, et l'humour ne saurait manquer à ce roman – où l'on repère un clin d'œil classique aux "Tontons flingueurs" (p. 299). La temporalité est elle aussi reconstituée avec soin: nous sommes en 2011, au temps de la primaire de gauche en vue de l'élection présidentielle 2012. L'actualité est donnée par le biais du radio-réveil de Nils Kuhn, et il arrive qu'elle concoure à l'enquête: c'est davantage qu'un élément de décor.

"Le jeu de l'assassin" (un titre utilisé par plus d'un autre auteur, soit dit en passant) s'avère donc un polar captivant, tendu bien comme il faut, qui ne recule pas devant la violence brute. L'auteur a donné son propre prénom à son narrateur: peut-on en conclure qu'il a mis un peu de lui-même dans ce personnage, que Nils Kuhn est un peu Nils Barrellon? A méditer...

Nils Barrellon, Le jeu de l'assassin, Bernay, City Poche, 2014.

Le blog de Nils Barrellon, le site des éditions City.

2 commentaires:

  1. Pourquoi pas à l'occasion, pour l'originalité de voir l'Eventereur à Paris.

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    1. En effet, c'est original! Je t'en souhaite une bonne découverte. Bonne fin de semaine!

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